Je suis étudiante en M2 des Métiers
de l'Enseignement, de l'Education et de la Formation.
J’ai
des examens et j’écris un mémoire – l’échéance est au mois de mai.
Je
prépare le Concours de Recrutement de Professeurs des Ecoles.
J’ai
les écrits dans 15 jours, exactement 15 jours.
Je
réussis mes écrits, je passe mes oraux.
Je
réussis mes oraux, j’ai ma classe.
Je
suis contente.
Mais
– et si jamais je rate mes écrits ?
Je
ne passe pas mes oraux.
Je n’ai pas ma
classe.
Qu’est-ce que je
fais ?
Je recommence
l’année prochaine.
Je cherche une
autre direction professionnelle.
Autant d’incertitude ...
Et, finalement,
je suis assise devant mon bureau – c’est foutu …
Je comprends le burn out des profs. Je ne suis pas encore une
enseignante, mais je comprends mes (ex) futurs (ex) collègues. D’une formation
difficile aux premières affres des salles des maîtres, je comprends. Je connais
cette phrase, ce « Je ne sais pas » en réponse aux mille et unes
questions de tourment : Est-ce que je suis vraiment destinée au métier
d’enseignant, est-ce que c’est ce que j’ai envie de faire ? OUI !
Pourquoi est-ce que je doute, alors ? JE NE SAIS PAS. Ou plutôt, si, mais
je n’arrive pas à choisir entre les maux qui m’assassinent doucement … J’en
suis arrivée au moment d’indifférence émotionnelle. Je ne sais pas si ce que je
fais en ce moment même est ce qu’on nomme une dépression, mais ça s’en
rapproche – dangereusement. Suis-je triste ? Je ne sais pas. Suis-je
lasse ? Peut-être. Suis-je fatiguée ? Ca, évidemment. Suis-je
démotivée ? En outre, oui, sinon comment mettre des mots sur cette crise
d’angoisse m’assaillant continuellement ? Au final, la question – aussi
cruelle qu’elle soit – se pose : Est-ce moi ? Est-ce que je ne suis
pas suffisamment forte, endurante, courageuse ? Suis-je une bonne à
rien ?
C’est cette question – cruelle, assassine même – qui BLESSE. La peur de
l’échec : scolaire, professionnel et, finalement, personnel. C’est ça.
C’est ça, cette douleur écrasante dans nos esprits en surchauffe. La question
n’est pas de nous remettre en question. A cette interrogation de notre réussite
au concours – qui elle, est LA question qu’on se pose, futurs enseignant en
formation – c’est la réponse donnée qui va engendrer le cercle vicieux des
craintes et des doutes. Parce que, dans tout état de conscience, va se
manifester cette peur de l’échec. Le stress est dominant : c’est un
concours, c’est un enjeu essentiel de l’avenir que nous avons choisi. Et avec
le stress vient l’angoisse, cette sensation frustrante de n’avoir aucun
contrôle envers les échéances. C’est infernal ! C’est comme se retrouver
emprisonné dans l’espace-temps : les journées défilent sans qu’on ne les
voie passer sous nos yeux. Le temps – lui, la solution à toute chose – devient
un ennemi vicieux et cette montre, cette satanée montre qu’on garde sous nos
yeux, elle continue. Tic, tac, tic, tac … La charge de travail, énorme, devient
encore plus gigantesque dans nos têtes. On se dit, finalement, que c’est
humainement IMPOSSIBLE. Et c’est de ce mot, ce mot et aucun autre, que tout est
parti … A la question de notre réussite au concours, la réponse est « Non,
je n’y arriverai jamais. ».
Et comme c’est un cercle vicieux sans fin, cette réponse nous renvoie
inlassablement aux questions qu’on se pose constamment. La remise en question
est fracassante. C’est moi ? MAIS OUI, c’est évident, c’est moi. Je ne
suis pas ci. Je ne suis pas ça. Forcément, c’est moi. Forcément, je suis une
INCAPABLE. Je n’y arriverai jamais, ce n’est même pas nécessaire que je me
casse le c** … Deux cas de figure se présentent :
On se secoue comme un naufragé secouerait un cocotier dans l’espoir de
faire tomber des noix de coco pour s’abreuver et survivre. On arrive encore à
se dire qu’on est courageux, qu’on est prêt à se battre encore et encore. On se
replonge dans les révisions acharnées jour et nuit, sans souffler et avec le
flegme des guerriers. On se serine des adages de réussites tibétains, japonais
et chinois qu’on glane entre les pages de compléments circonstanciels ou les
pages de résolution d’équations au point d’en faire une récitation chaque soir
avant d’oser espérer deux ou trois heures d’un sommeil réconfortant. On nie
notre existence même, il n’existe désormais qu’un cerveau et des données par
milliers qu’on enregistre.
On se consume de l’intérieur comme une victime de combustion spontanée
n’ayant pas senti la chaleur de l’échauffement de ses nerfs et de ses muscles.
On est en crise. Les mâchoires se serrent, les dents s’entrechoquent, les mains
elles-mêmes se meuvent dans des spasmes furtifs. Trembler est une nouvelle
façon de s’exprimer … D’ailleurs, se raisonner est un rêve : notre esprit
entier est en guerre avec lui-même et, une fois ses derniers sursauts de
courage éteints, la ligne de notre électroencéphalogramme est inerte – comme le
cadavre de nos connaissances. C’est ce qu’on nomme la saturation. Je ne suis
rien, je ne sais rien. Tout le courage conservé s’est envolé. Toute la
motivation entretenue a disparu. Toutes les connaissances qu’on avait sont
dispersées au vent des nuits d’angoisse. Qui suis-je ? Que sais-je ?
Où vais-je ? Le néant de l’indifférence.
J’ai souvent vu cette crise de nerfs accentuée, comme une épidémie de
gastro, nous soumettre aux contraintes d’une santé détruite. Sous-alimentation,
insomnie, migraine, … La lutte est tellement contraignante qu’on baisse les
bras et qu’on se laisse aller en direction d’une funeste survie entre les
vagues fracassantes de l’existence et des échéances qu’elle nous donne. L’envie
a disparu : plaisirs, sexe et gourmandises sont des souvenirs que la
paresse emporte. AMORPHE, voici ce que je suis. Voici ce que je resterai … Je
ne suis qu’une paire de fesses dans un canapé !
De toute cette réflexion en découle au moins une chose importante :
la recherche. Comment est-il ENVISAGEABLE d’en arriver au point de
non-retour ? Cette descente aux enfers n’est pas naturelle. Il est
interdit de mentionner la fragilité du psyché de l’Homme car au contraire, pour
atteindre un burn out écrasant comme celui-ci, c’est que le psyché en question
s’est donné au mieux de ses forces. Il a fait du 200% …
J’examine la chose d’une façon enfantine – je ne suis pas spécialisée en
psychologie et encore moins dans le fonctionnement de notre cerveau, mais je
vois ça comme ça. Le cerveau comporte deux zones distinctes : une zone de
frustration et une zone de satisfaction. Lorsqu’on se lance ardument, corps et
âme, dans un projet d’envergure – prépa, concours et compagnie – on créé une
rupture de l’équilibre entre ces deux zones. Au commencement, malgré les
contraintes évidentes des révisions, on tire encore suffisamment de
satisfaction dans notre estime de nous même : je travaille dur et j’en
suis contente. Mais, les jours passent et avec eux, notre motivation ébréchée
sous la fatigue physique et intellectuelle … Les révisions deviennent une
corvée dont on s’acquitte parfois avec mal : il n’y a plus aucune
satisfaction persistant dans ce qu’on fait. La zone de frustration est
sollicitée en permanence, au point qu’elle en reste constamment active et que
la zone de satisfaction est éteinte. Omniprésente, cette frustration est
dangereuse et est, sous réserve d’autres facteurs comme le stress et l’angoisse,
une cause de dépression. Les spécialistes de cette question diront sans doute
qu’il est élémentaire de réactiver la zone de satisfaction (pas en ces
termes-ci, évidemment), mais seulement, ce n’est pas une tâche évidente. La
zone de frustration bénéficie d’une force importante, telle que certains
plaisirs traditionnels en perdent même la saveur qu’ils avaient auparavant.
Retrouver des plaisirs dans ce cercle vicieux est en outre un exploit car quoi
qu’on entreprenne, il faut que la satisfaction qu’on en retire soit
suffisamment marquante pour évincer – au moins temporairement – la frustration
constante à même de surgir aux moments les plus inattendus et souvent les moins
opportuns. Il faudrait, en réalité, pouvoir mettre en quarantaine cette
frustration afin de profiter des choses comme elles viennent et se satisfaire
des petits riens comme un sourire d’un commerçant, un pain au chocolat, une
cigarette, … C’est ce qui, naturellement, permet à l’Homme de survivre dans les
contraintes d’un environnement coriace sous pression.
Mais rien n’est jamais aussi aisé que la mise en œuvre d’une théorie
abstraite dont, même si on en connait les moindres détails, n’a rien de
naturel. Encore moins lorsqu’il s’agit de mécanismes psychologiques, que
l’Homme ne devrait pas pouvoir maîtriser comme il en a envie. Etre conscient
des aspects psycho-neurologiques de l’être est essentiel, surtout dans la
compréhension de soi, mais être en mesure de contrôler ces mêmes aspects, de
les modifier en les structurant ou en les détruisant, est un jeu dangereux.
Autant il est normal – et même nécessaire dira-t-on – que la routine monotone
des jours soit corrompue, bouleversée, brisée, … autant ce n’est pas le propre
de l’Homme d’en faire son déclin. Au contraire, ce sont aux facteurs extérieurs
de s’en charger quand l’être pensant va, lui, chercher des solutions pour conserver
cet équilibre entre frustration et satisfaction. Je sais que cette solution n’existe
pas forcément dans votre tête, immédiatement, mais elle viendra avec la
patience. Elle viendra et lorsqu’elle sera là, tout ira de mieux en mieux. Le
cercle vicieux de l’enfer dépressif sera brisé, le sommeil reviendra, la
sérénité s’installera, la joie renaîtra.
S’il est juste de mentionner qu’on est incompris – et c’est effectivement
le cas, nos concurrents de concours (ou camarades, c’est selon) nous
comprennent mais ils sont inefficaces pour espérer accroître votre satisfaction
et les autres, ils ne comprennent pas qu’on subisse autant de stress et
d’angoisse et nous disent clairement que c’est de notre faute. Ainsi, faisons
un retour de CULPABILITE dont la formule de cause à effet est la
suivante : j’ai choisi cette voie = je me suis mise dans le caca sans
personne = je dois m’en sortir comme une grande (= seule). Mais connaissez-vous
réellement des gens qui s’en sortent seuls ? Bien au contraire … Le
soutien est un élément essentiel ! Cherchez la solution, mais n’oubliez
pas de vous entourer de gens qui tiennent à vous et qui vous accompagnent dans
votre démarche !
Dans mon cas, j’avoue que si je n’avais pas mes proches avec moi, ce
serait un enfer avec des jets continuels de braise incandescente pour me brûler
mes rétines rougeoyantes de larmes. C’est avec le soutien qu’on s’en sort – et encore
plus lorsqu’on a un soutien inconditionnel, avec des amis qui vont même être
présents au point de traverser toute la ville en tout instant pour me secouer
comme un cocotier avant d’étaler toute la pommade réconfortante de leur amour
et de leur confiance. Sans eux, je ne tiendrai pas la distance dans cette
course contre-la-montre. MERCI à ceux qui se reconnaîtront dans ces quelques
mots pour la patience dont ils font preuve avec mon sale caractère en ces
moments difficiles. Je vous aime.
Le temps des lamentations est fini et, avec réticence, il est temps de s’y
remettre : les révisions m’attendent. J’adresse encore un mot aux
personnes qui, comme moi ou pour d’autres raisons, se retrouvent dans une
situation similaire : ne vous laissez pas abattre. Il y a toujours un
moyen de s’en sortir … même si ça prendra du temps ;)
(date originale de rédaction : 14 avril 2014)
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