Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les Ministres,
Mesdames et messieurs les Ministres,
Qui suis-je pour m’adresser comme ça
à vous ? Ce n’est pas un jeu de devinettes, aussi je vais vous annoncer
qui je suis – mais avant de vous donner cette réponse, je dois surtout vous
dire que je suis une voix. Une voix, oui, mais quelle voix ?
Celle
de M. Hally – un étudiant français de 22 ans, qui ne bénéficie pas d’une bourse
de l’enseignement supérieur et travaille en complément de ses études pour payer
son logement, ses factures et ses frais de scolarité ?
Celle
de Mme Legon – une femme française célibataire de 24 ans sans enfant, chômeuse
qui ne touche aucun revenu mensuel et est contrainte de retourner vivre au
domicile de ses parents en leur donnant à eux, français moyens, des frais
supplémentaires ?
Celle
de M. Fayard – un homme français célibataire de 28 ans sans enfant, propriétaire
d’un petit appartement, travaillant dans la restauration et ayant du mal à
boucler ses fins de mois une fois qu’on lui soutire ses factures et ses
taxes ?
Celle
de Mme Autier – une femme française de 35 ans séparée avec un enfant, chômeuse
dont l’indemnisation et les autres aides ne valent pas un SMIC et qui se
sur-endette chaque mois de plus en plus pour vivre dans un minimum de
dignité ?
Celle
de M. et Mme Mignot – un mari français et une femme française de 46 ans avec
deux enfants, bientôt les propriétaires d’une maison pour laquelle ils payent
un prêt depuis deux décennies en combinant deux SMIC et une poignée d’euros
qu’ils tiennent des aides d’une CAF généreuse ?
Celle
de M. et Mme Axis – un mari français et une femme française de 52 ans avec deux
enfants, propriétaire d’une maison pour laquelle ils viennent de finir de payer
un prêt sur vingt ans en combinant deux SMIC et pour laquelle ils ne pourront
peut-être plus payer avec la prochaine augmentation des taxes ?
Celle
de Mme Aubert – une femme française de 72 ans retraitée, qui ne touche qu’une
maigre pension de veuve en complément de son allocation de retraite et qui ne
peut même plus travailler pour arrondir ses fins de mois et payer son logement
et ses factures ?
Alors, dites-moi, quelle voix
suis-je ?
Chacune, et toutes en même temps. Celles que j’ai citées et celles que j’ai encore en tête.
Celle que j’ai citées et celles que j’ai tues. Celles que j’ai citées et celles
dont j’ignore encore l’existence. Je suis une voix parmi d’autres de cette
classe moyenne française – bafouée, rejetée, détruite – mais je suis la voix
des français, qu’ils soient jeunes ou vieux, dans une situation de désespoir …
Mais qui suis-je réellement ?
Je suis une jeune femme de 22 ans,
ancienne étudiante, titulaire d’un bac +5 en enseignement qui ne trouve pas de
travail – dans son secteur ou dans un autre – avec la situation
socio-économique actuelle.
Je suis une jeune femme de 22 ans,
chômeuse sans allocations et sans RSA, revenant vivre au domicile de ses
parents. Ah, non, erreur de situation : mon géniteur est un incompétent
qui n’a rien d’un parent. Dans la gamme des parents, il ne m’en reste qu’un
seul : une maman. Donc, je suis une jeune femme de 22 ans vivant avec sa
maman – elle aussi chômeuse, dont les ressources ne nous permettent pas de nous
en sortir dignement.
De toutes les situations citées – ma
maman et moi en combinons deux : moi la chômeuse qui n’a pas le moindre
revenu et qui s’inscrit comme un fardeau dans la vie de ses parents, elle la
chômeuse surendettée qui aimerait vivre avec un minimum de dignité et qui voit
ses demandes d’aide rejetées.
Monsieur le Président, mesdames et
messieurs les Ministres : Cette combinaison vous semble-t-elle facilement cumulable ? Cette combinaison vous
semble-t-elle au mieux supportable ? Je me dois de contredire les « oui » muets
que j’entends résonner dans vos cerveaux de dirigeants aveugles, sourds et
muets.
Je vais systématiquement donner une
réponse aux questions que je vous pose, que le point de vue d’une jeune femme française
de classe moyenne vous atteigne et vous fasse sortir de cet environnement
élitiste qui vous a vu vous offrir du confort avant de vous offrir une conscience.
La suite arrive d’ici un petit
moment. Asseyez-vous, vos illustres fessiers n’attendent que ça. Désirez-vous
éventuellement un accompagnement : des toasts saumon-caviar avec une petite
flûte de champagne, un cigare en dessert ? Permettez-vous cet écart, vous
qui vivez dans le luxe avec de l’argent en guise de valeurs morales !
Question : Que fait le français moyen qui ne
s’en sort pas avec ses finances ?
Réponse : Il fait un prêt – s’il peut. Mme la
Banque refuse ? Ok, mais qu’en disent les organismes véreux du marché
français ? Oui. Oui, évidemment ! Pourquoi diraient-ils non s’ils
touchent des sommes faramineuses en complément de l’argent gracieusement
avancé ? Ces organismes-ci, connaissent-ils autant de taxes que le
français moyen les sollicitant ? Non. Non, évidemment !
Question : Que fait le français moyen qui ne
s’en sort pas avec ses finances, malgré son prêt souscrit dans un
organisme véreux ?
Réponse : Il s’adresse aux services sociaux.
S’il résiste la tâche fastidieuse de créer un dossier avec des documents vieux
comme l’univers* ou des
documents inexistants et qu’on lui accorde – enfin ! – un rendez-vous, que se passe-t-il ? Dans la
plupart des situations, il ne se passe rien de concluant. Nada, niet, nix.
Au mieux, les services sociaux des
communes s’occupent de cette facture de téléphone si outrageusement rejetée de
vos factures automatisées et vous donnent un contrat pour une aide alimentaire
à l’épicerie sociale, aux mêmes
fonctions de limitation dans le temps qu’un C.D.D. en usine. Au pire … R - I - E - N. Rien.
Question : Que fait le français moyen qui ne
s’en sort pas avec ses finances, malgré son prêt souscrit dans un organisme
véreux et ses rendez-vous constants avec les services sociaux
incompétents ?
Réponse : Il s’adresse aux organismes légaux –
Conseil Régional, Conseil Général, CAF … en espérant une réponse. Une réponse
qui n’arrive parfois pas et qui, même si elle arrive, est rarement
encourageante car elle ne fait que renvoyer ce français moyen vers les services
sociaux qu’il a contacté systématiquement pour chaque loyer ou chaque facture
pour dire que oui, il fait des efforts pour s’en sortir et que non, il ne s’en
sort pas mieux.
Question : Que devient le français moyen aux
finances désastreuses rejeté par ce fonctionnement interne de notre société,
tête de turc de son entourage et mal-aimé de son pays ?
Je vous dresse ici la réponse dérangeante
d’une personne détruite, qui n’a rien gagné avec ses études mais qui, avec le
chômage et ses aléas, a perdu ce qu’elle avait encore. Je vous dresse ici la
réponse dérangeante qu’on rechigne de découvrir car on sait qu’elle est réelle
et qu’elle fait mal s’il nous reste un minimum de compassion.
Réponse : Monsieur le Président, mesdames et
messieurs les Ministres, ce n’est plus la voix des français moyens qui
s’adresse à vous maintenant. C’est la voix de cette jeune femme de 22 ans qui
fait de son mieux pour ne pas céder au désespoir et mettre en œuvre les idées
noires oppressantes ravageant son esprit désabusé et fatigué. C’est la voix de
cette jeune femme qui a cru que faire de longues études pouvait être un
avantage dans cette société d’intellectuels. C’est la voix de cette jeune femme
qui a rencontré le chômage au détour d’un été et qui ne sait pas s’il existe
une cure contre ce fléau grandissant. C’est la voix de cette jeune femme qui a
cherché de l’aide partout autour d’elle et qui a encore eu la chance de ne pas
se faire renvoyer comme une mal-aimée. C’est la voix de cette jeune femme qui
se bat pour cette lueur d’espoir qui s’illumine au loin mais c’est aussi la
voix de jeune femme qui ne sait pas si l’espoir est encore en droit de
maintenir un pouvoir dominant sur elle. C’est la voix d’une jeune femme qui
laisse couler ses larmes de frustration et de douleur chaque soir avant de
s’endormir en se demandant ce qu’elle a fait de mal, en se demandant comment
les choses peuvent être ainsi et en se demandant ce qu’elle fait de travers
pour ne pas s’en sortir dans cette société qu’elle a étudiée et qu’elle aurait
aimé construire avec ses pairs, avec la jeunesse française. C’est la voix d’une
jeune femme qu’on délaisse – amis et connaissances – pour ne pas avoir sa
réussite sur la conscience en se pavanant devant une personne en situation
d’échec et sans issue.
Chacun de mes compatriotes – français
moyen réaliste – se reconnaît un minimum dans ce monologue à cœur ouvert car
chacun de mes compatriotes est un être vivant avec des valeurs humaines et une
compassion nourrie de nos points communs.
Monsieur le Président, mesdames et
messieurs les Ministres, je vais bientôt tirer ma révérence mais j’avais encore
une chose importante à vous annoncer … Nous sommes français avant tout et nous
aimons la France mais actuellement, la France – elle – ne nous aime pas !
Ne vous êtes-vous jamais posé la question de savoir comme le français se sent ?
Ou pour quelle raison il met autant d’énergie dans la destruction de votre cote
de popularité ? Nous sommes incompris et cette incompréhension, c’est la
source même du rejet que nous subissons du gouvernement – car la société, c’est
vous qui l’avez entre vos mains lorsqu’elle devrait être à nous, nous les
français avec vous les dirigeants, ceux que nous avons choisis pour la protéger
... Comprenez-nous. Aidez-nous. Peut-être regagnerons-nous ainsi confiance en
vous et votre gouvernement ! Peut-être pourrons ainsi construire main dans
la main au lieu de lutter l’un contre l’autre comme des crétins.
Cordialement,
Une voix d’idéaliste, qui en soutient des millions.
Une voix d’idéaliste, qui en soutient des millions.
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